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Cathédrale Saint-Paul, Liège, Belgique

Cathédrale Saint-Paul, Liège, Belgique

  • 2013
  • Place de la Cathédrale 6, 4000 Liège, Belgique

Horaire des offices

Chaque jour :

8h30 : offices des lectures et des laudes
9h00 : eucharistie et confessions après la messe
16h30 : chapelet et salut au Saint-Sacrement

Premier vendredi du mois :

10h00 : prière conduite sur le thème de la récollection
11h00 : temps d’enseignement
12h00 : prière de midi

Deuxième jeudi du mois :

Après l’eucharistie, adoration jusqu’à 17h
(prière pour le diocèse)

Les dimanches et fêtes, à la Cathédrale

10h00 : eucharistie solennelle concélébrée
16h30 : eucharistie

Liège, surnommée la « Cité ardente », est une ville francophone de Belgique, capitale économique de la région wallonne. La Meuse la traverse du sud au nord, et des collines abruptes et boisées l’entourent. L’église devient cathédrale en 1804, lorsqu’elle succède à la cathédrale Saint-Lambert, détruite par des Liégeois acquis aux idées anti-religieuses de la Révolution française. La nouvelle cathédrale, héritière de l’ancienne, reçoit l’horloge, le carillon et les restes du trésor. En 1811, la tour est surmontée par un nouveau clocher, inspiré par celui de la cathédrale détruite. En 1850, enfin, la cathédrale est revêtue d’un décor néo-gothique sous la direction de l’architecte Jean-Charles Delsaux, qui s’inspire largement des théories de Viollet-le-Duc.

La campagne de restauration menée entre 1850 et 1875 s’accompagne de l’édification des collatéraux doubles du chœur et de la percée des baies du transept. La façade nord reçoit ses contreforts, et les pignons nord et sud sont agrémentés de crochets et surmontés de statues. L’intérieur de l’édifice, aux lignes très pures, présente une harmonieuse unité, notamment par l’égale hauteur des voûtes, depuis l’abside jusque sous la tour, et ce malgré les différentes phases de construction. La charpente originale a par ailleurs été conservée. Le tout témoigne élégamment du style mosan ; l’association du calcaire bleu mosan et du calcaire ocre lorrain est du plus bel effet. Le chœur est fermé, en partie basse, de murs ornés de deux rangées d’arcatures aveugles, très dépouillées, et de hautes fenêtres aux colonnes engagées et ornées de très petits chapiteaux, servant de départ aux arcades des voûtes.

Les vitraux réalisés au début des années 1980 sont dus à Julin et Pirotte, tout comme celui du fond de l’absidiole nord, dédié au martyre de saint Albert de Louvain, évêque de Liège. L’abside du XIVe siècle est conforme au style mosan avec des niches aux arcades trilobées, surmontées d’une verrière à deux étages, dont les vitraux datent du milieu du XVIe siècle. Dans le transept, la grande verrière est un chef-d’œuvre verrier du XVIe siècle également. Œuvre de Léon d’Oultres, elle a pour thème le couronnement de la Vierge, et, au registre inférieur, la conversion de saint Paul et la vénération de saint Lambert par le donateur. Démontée en 2013, elle a été restaurée avec la collaboration du Metropolitan Museum of Art de New York. Dans le croisillon nord, une verrière de Max Ingrand représente la Cène et la procession de la Fête-Dieu, en forme de double couronne, ainsi que les figures de l’Eucharistie avec le miracle de Cana et le sacrifice de Melchisédech. On retrouve encore des vitraux du même artiste dans le bas-côté nord, au-dessus de l’autel, et dans le défenestrage, sous la tour. Tous datent de la fin des années 1960.

Côté sud, donnant sur le jardin du cloître, les cinq vitraux des deux chapelles latérales ont été détruits pendant les guerres. Le père Kim En Joong et l’atelier Loire de Chartres ont ainsi reçu commande en 2011 d’une œuvre contemporaine qui devait rendre, dans cette partie de la cathédrale, une lumière intérieure, joyeuse et porteuse d’un message d’espérance. Cette réalisation, offerte par l’abbé Michel Téheux, s’inscrivait dans le programme plus large de la restauration complète du monument.

En septembre 2011, Michel Téheux pilote le programme de création d’un nouveau mobilier pour le chœur de la cathédrale, confié, selon ses conseils, à Florence Cosse, une architecte d’intérieur, qui a signé plusieurs aménagements liturgiques notamment pour plusieurs cathédrales en France. Commandé par le chapitre cathédral, ce programme audacieux dans le choix de matériaux (Dacryl et or) devait recevoir l’assentiment de la commission du Patrimoine. L’esquisse d’un projet, porté par le chapitre pour les trois verrières de la chapelle de Saint-Lambert, fut alors présentée pour avis.

Les remarques qu’elle suscita ont poussé l’abbé Téheux à envisager de proposer, à titre personnel, un contre-projet, plus ambitieux et s’inscrivant dans les recherches récentes du vitrail contemporain. Sa volonté était d’inscrire en cet espace hautement symbolique – la chapelle « funéraire » dédicacée à l’évêque fondateur du diocèse – « un geste de l’art d’aujourd’hui », confié à un « maître ». D’emblée, l’abbé Téheux orienta son choix vers le père Kim En Joong. Lors d’une première rencontre à Louvain-la-Neuve pour la bénédiction des vitraux de la chapelle des Dominicains, il lui proposa le projet. Dès le lendemain, en visite à Liège, le père Kim accepta l’idée d’intervenir dans la cathédrale. Le chapitre et le conseil de fabrique de la cathédrale furent dès lors avertis de l’intention de l’abbé Téheux d’offrir les trois verrières de la chapelle Saint-Lambert. La notoriété et l’esthétique des œuvres du père Kim ont été déterminantes dans l’accord donné à une commande, dont la charge serait intégralement assumée par le mécène.

Le père Kim et l’atelier Loire de Chartres, avec lequel il collabore depuis de nombreuses années, présentèrent la maquette du projet le mercredi de la Semaine sainte, jour de la messe chrismale et de la bénédiction du nouveau mobilier du chœur. Entre-temps le projet initial fut élargi à deux verrières de la chapelle annexe qui devaient rester en verre dépoli : effectivement le visiteur, en pénétrant dans la cathédrale par l’unique entrée latérale nord, se trouvait face à cette nef sud et à ces cinq verrières. Le commanditaire décida donc, par souci d’homogénéité, d’inclure les vitraux de la chapelle Saint-Joseph dans le programme. Le programme établi demandait à l’artiste de proposer tout à la fois : – un « geste » : en osant une expression de l’art d’aujourd’hui dans un édifice classé – un « manifeste » : l’art d’Église doit s’inscrire dans le génie de chaque temps, la création reflète donc les nouvelles techniques et recherches de l’art du vitrail. – une « spiritualité » : non pas l’illustration d’une histoire canonisée, mais une œuvre « ouverte », proposant des « entrées » multiples pour le croyant, le pratiquant, le priant ou encore le visiteur, chacun devant pouvoir y investir sa part de spiritualité personnelle. La lumière et l’émotion étant à privilégier. – un « écrin » : la chapelle Saint-Lambert est emblématique. L’esthétique devrait ainsi magnifier les fruits du martyr, la naissance d’une église, et évoquer l’espérance engagée dans les ajustements d’une église diocésaine contemporaine.

Les deux vitraux de la chapelle Saint-Joseph, qui est le lieu où s’exerce le ministère de l’accueil dans la cathédrale, poursuivra la même symbolique pour veiller à l’unité de la nef sud : belle façon d’unir aujourd’hui l’édification d’une communauté chrétienne ouverte sur la ville et l’acte fondateur de l’Église de Liège. Le projet des cinq verrières  de 75 m2 fut accepté avec enthousiasme par la tutelle : la notoriété du père Kim et de l’atelier Loire, la qualité de la composition et le caractère exceptionnel d’un mécénat privé le justifiaient. Les premières lancettes d’essai ont été placées en mars 2012.

Le père Kim s’est ensuite remis au travail, dès le mois d’avril, à Chartres. Pour les artistes devant travailler plusieurs jours, un appartement dans l’enceinte de l’atelier est mis à leur disposition. Le père Kim apprécie particulièrement ces dispositions qui lui permettent une qualité de concentration et de silence, propices à la réalisation de ses peintures sur verre. Chaque verrière est composée de quatre lancettes de quatre mètres vingt de haut par soixante centimètres de large, surmontées d’un oculus trilobé. Bruno Loire et le père Kim ont porté leur choix vers un épais verre float de six millimètres d’épaisseur, qui ne nécessitait pas de renforts de plombure. Les verres n’ont pas été thermoformés. Le père Kim avait, en effet, ces dernières années travaillé plutôt de petits formats où le thermoformage apportait une structure forte, un guide préalable à sa peinture. Pour ces grands vitraux de la cathédrale de Liège, l’artiste s’est dirigé vers un travail plus libre sur des verres sans texture. La continuité graphique de son geste a été ainsi plus aisée à obtenir. Le père Kim a peint les verres avec céments, émaux et grisailles.

Afin d’éviter la trop grande transparence vers le cloître, sans avoir recours à la saturation des couleurs, les verres ont été dépolis avec des émaux blancs diffusants, à l’identique de ceux déjà utilisés à Brioude pour la cathédrale Saint-Julien. De sa peinture libérée des contraintes, le père Kim a l’habitude de souligner : « Quel contraste entre la soumission des artisans du Moyen Âge et la liberté totale que revendiquent ceux d’aujourd’hui ! » Quant à la lecture des vitraux, elle reste ouverte : « Le vitrail doit nous parler sans paroles et s’adresser à la qualité de l’être humain qui veut recevoir la lumière éternelle. » L’art de Kim En Joong puise sa force dans le silence. Les vitraux ont été posés par l’atelier Loire en juillet 2013 et inaugurés en septembre de la même année.

« Rencontrer le Père Kim En Joong, c’est entrer en silence. Nous devons « rester à l’essentiel » aime-t-il dire. des blancs entre les mots, un regard, un geste ou un souffle en suspens. Des gestes d’élan, d’émotion crue mais aussi comme retenus, juste osés.

Cette qualité de silence fait entrer dans la patience, dans l’attention à ce qui veut – ou peut – advenir. Comme si quelque chose d’essentiel avait envie de naître et demandait du temps jusqu’à la délivrance.

Le Père Kim est là, dans un fauteuil d’un autre âge l’enveloppant comme pour le protéger, assis devant une dalle de verre étendue, en corps à corps avec le sol, en attente d’être transfigurée.

Il est là, seul au monde, pour laisser monter l’élan créateur, avec comme déjà un frémissement de plaisir, celui de ne pas savoir où on va.

Et puis, soudain – mais la gestation a pu durer parfois une journée entière de labeur – l’homme se dresse. Jeune. Comme poussé par une force non maîtrisable. Ressort enfin libéré.

Accroupi il épouse le terre à terre de la dalle de verre et là, trempant ses brosses grasses ou ses fins pinceaux, héritier des maîtres calligraphies du Soleil Levant, il jette la lumière pour apprivoiser l’incréé. » 

Michel Teheux