Située à Lyon sur « la colline qui prie », Fourvière, en vis-à-vis de la « colline qui travaille », la Croix-Rousse, la paroisse Saint-Irénée-Saint-Just fait partie d’un ensemble religieux incluant la basilique de Fourvière, l’archevêché, le séminaire provincial de Lyon-Saint-Irénée, et de nombreuses communautés religieuses. Ancrée sur les nécropoles romaines et paléochrétiennes, la crypte de l’église Saint-Irénée accueille de nombreux pèlerinages sur les tombeaux d’Irénée, deuxième évêque de Lyon, d’Alexandre et d’Épipode, jeunes martyrs du IIe siècle. C’est dans cette paroisse que l’archevêché de Lyon est venu s’installer en 2016 sur le site de la maison diocésaine Saint-Irénée.
Cet ensemble, qui surplombe la ville avec une très belle vue sur le sud de Lyon et les Alpes, avait ainsi connu au cours de son histoire tant de transformations qu’il en avait perdu, peu à peu, sa cohérence d’origine. En 2013, après plus de cent ans passés près de la basilique de Fourvière, l’archevêché prend la décision de déménager vers la maison Saint-Irénée. Une décision qui s’inscrivait dans un programme de réorganisation immobilière portée par le diocèse de Lyon. En 2014, des travaux y sont ainsi entrepris afin de permettre l’installation de l’archevêché. Ce sont les architectes d’Archigroup qui vont finaliser la restructuration de cet ensemble de bâtiments d’une surface de cinq mille deux cents mètres carrés.
La chapelle dite intérieure de la maison Saint-Irénée a été rénovée dans le programme des travaux. « Saint Irénée, deuxième évêque de Lyon, est l’un des Pères de l’Église. La tradition lyonnaise veut que le corps du pontife ait été conservé dans une basilique funéraire dédiée à saint Jean, qui a plusieurs fois changé de nom avant de prendre celui de Saint-Irénée.
Vers 1850, le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, obtient de Rome quelques reliques d’Irénée et les fait déposer dans un reliquaire. Ce reliquaire, toujours en place, permet aux Lyonnais de perpétuer la dévotion à leur deuxième évêque. La chapelle est un édifice bâti sur un plan d’église-halle ; la nef centrale et les nefs collatérales sont de hauteur égale, et communiquent entre elles sur toute cette hauteur. Cette nef centrale, en l’absence de fenêtres hautes, est éclairée indirectement par la lumière provenant des nefs latérales. Le chœur, aveugle, est orienté à l’ouest tandis que l’accès se fait par une porte monumentale, à partir de la grande galerie du bâtiment Soufflot.
L’architecture se caractérise par un éclectisme raisonné, inspiré à la fois par le style roman et le Moyen-Orient. Le parti pris de l’agence Archigroup fut d’intervenir en douceur, le principal objet étant de travailler les lumières naturelles et artificielles. Dans le chœur, à l’aplomb de l’autel, une couronne de luminaire à neuf lobes a été installée, rappelant la fête des lumières de Lyon et ses lumignons postés aux fenêtres de la ville. Au centre de cette couronne a été placé un Christ d’inspiration romane, datant de 1930.
Le nouvel aménagement, pensé par Jean-Paul Louvet, a respecté l’histoire du lieu et ses traces d’époques différentes. Quatre sièges ont été dessinés, pour le cardinal et ses invités, dans la quatrième travée, juste avant le chœur. La lumière naturelle entre dans l’édifice grâce à huit baies, quatre éclairant le bas-côté nord, les quatre autres le bas-côté sud. Jean-Paul Louvet souhaitait absolument ôter les vitraux existant en grisailles, sans éclat, et qui diffusaient peu de clarté.
C’est l’archevêque qui a proposé de faire appel au père Kim en lui suggérant de travailler le thème de saint Irénée, dont les reliques étaient si proches, dans la crypte voisine de l’église Saint-Irénée. Le nouvel archevêché fut inauguré le mardi 28 juin 2016. Pour la chapelle de Lyon, Kim En Joong retient intérieurement une parole de saint Irénée : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. La vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. » Les vitraux, dans l’élan des couleurs comme des flammes ou des feuilles au vent, mieux des papillons, veulent correspondre à cette parole. Et l’on sait que saint Irénée se rattache immédiatement à la tradition johannique. Sa méditation fait ainsi écho à la Parole de Dieu : « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître » (Jean 1.18). Or, ce Fils est la lumière qui luit dans les ténèbres.
Les vitraux de Kim En Joong sont d’emblée harmonieux, tant les couleurs (chaque vitrail a sa propre tonalité) passent du bleu au vert, au jaune, au rouge, gardant comme un vestige du soir un violet un peu nostalgique et un noir comme trace de la nuit que la lumière traverse. C’est alors le mystère même de Dieu, dont les vitraux témoignent : le Fils incréé, parfaite Image du Père, Dieu né de Dieu, l’Esprit procédant du Père et du Fils. Les couleurs jaillissent l’une de l’autre, d’un vitrail à l’autre, sans confusion, ni rupture, à l’instar des personnes de la Trinité. Étonnamment, l’œuvre de Kim préserve cette intuition comme quoi le Fils, Image parfaite du Père invisible, en préserve l’Invisibilité, dont il est lui-même l’Image.
Les couleurs, chacune chargée de sens symbolique et de valeur émotionnelle, mais totalement abstraites de toute figuration, s’appellent et se mettent en valeur sans fin dans un jaillissement de formes comme des flammes selon les heures du jour. C’est tout autant alors l’expression du Salut qui s’exprime, tant la vie divine rayonne en nous par ces vitraux. Le temps (celui qu’il fait dehors, celui qui passe de l’aube au crépuscule) donne alors aux vitraux une incarnation réelle, avec les variations de ce monde. Il appartient au visiteur, au pèlerin, au fidèle, venu prier, d’accueillir ce Mystère, exprimé visiblement pour devenir cet homme vivant à la gloire de Dieu. »
Les huit vitraux de l’artiste ont été mis en œuvre par l’atelier de Wilhem Derix, installé à Taunusstein dans la région de Francfort. Sur support en verre float incolore d’une épaisseur de six millimètres et d’un seul tenant, les verriers de l’atelier, à partir des maquettes du père Kim, ont peint à l’aérographe et au pinceau, avec des émaux translucides. Après plusieurs cuissons au four, l’ensemble a été trempé pour résister aux chocs et assurer la sécurité. Les verriers ont ensuite apposé par collage sur environ un tiers de la surface des baies, des verres antiques soufflés à la bouche et gravés à l’acide. Les vitraux ont été posés dans les feuillures existantes des baies après démontage des vitraux existants. Ils ont été doublés, côté extérieur, par un verre de protection, également trempé. L’absence de châssis à ces vitraux, simplement pourvus d’un plomb périphérique, assure une parfaite continuité entre l’œuvre et l’architecture, le verre et le revêtement des murs.