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Cathédrale Sainte-Marie-de-l’Assomption, Vaison-la-Romaine, France

Cathédrale Sainte-Marie-de-l’Assomption, Vaison-la-Romaine, France

  • 2019
  • Vaison-la-Romaine

Jusqu’au XIIe siècle, la ville s’est développée en plaine, autour de la première cathédrale et du palais épiscopal, où elle subit plusieurs invasions dues aux conflits entre les comtes de Toulouse et les évêques successifs. Au XIIIe siècle, la population va chercher refuge sur le rocher, au pied du château, lequel, construit par les comtes de Toulouse, est devenu propriété papale. C’est dans ce contexte que va prospérer en territoire pontifical la ville médiévale qui subsiste aujourd’hui.

La haute-ville s’est ainsi organisée autour du château, construit en 1195 par Raymond VI, comte de Toulouse, et il faudra attendre le XVe siècle pour que le chapitre cathédral et la communauté de Vaison décident de construire dans la haute-ville une église paroissiale. Cette édification impliqua la volonté ecclésiastique de transférer dans la ville intra-muros une partie des fonctions cathédrales, mais non l’abandon des édifices religieux de la plaine.

La nouvelle cathédrale de la ville haute mesure vingt-deux mètres de long et comporte un chœur pentagonal voûté d’ogives, éclairé par trois fenêtres, une nef de trois travées, couverte d’une charpente portée par deux arcs diaphragmes. La construction est réalisée en blocs de pierre tandis que les arcs, ogives, baies et chaînages d’angle, le sont en pierre de taille. À la fin du XVIe siècle, l’évêque Guillaume de Cheysolme et le chapitre demandèrent à la communauté de Vaison d’agrandir cette église cathédrale devenue trop exiguë pour contenir toute la population. Les travaux achevés en janvier 1601, la cathédrale est solennellement consacrée le 25 novembre, jour de la Sainte-Catherine, en l’honneur de Dieu, de la bienheureuse Vierge Marie, de tous les saints et en particulier de saint Quenin, patron de la ville et du diocèse.

Durant la Révolution, en 1791, l’évêché est supprimé et le culte abandonné. Trois ans plus tard, incendie et pillage dévastent l’édifice. Le 25 septembre 1796, en exécution de la « loi du 7 vendémiaire an IV », des habitants de la haute ville avertissent la municipalité qu’ils ont choisi l’église cathédrale comme lieu de culte. Ceux des faubourgs et de la campagne choisissent l’ancienne église Notre-Dame-de-Nazareth et son cloître, installés dans la ville basse.

Après quelques restaurations effectuées au milieu du XIXe siècle, le conseil de fabrique demande, en 1878, le transfert de la paroisse à l’ancienne église Notre-Dame-de-Nazareth. La ville basse s’est en effet développée et c’est là que siègent toutes les institutions civiles. En 1897, le transfert est effectif. Fermée en 1992 pour raison de sécurité, la cathédrale de la haute-ville est cependant inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 1946. Elle a été classée Monument historique en 1994. En 1995, la ville de Vaison-la-Romaine missionnait l’architecte en chef des Monuments historiques Didier Repellin et lui commandait une étude préalable en vue de la restauration du clos et du couvert de l’édifice. Le projet de création de nouveaux vitraux date de 2017.

L’église cathédrale ne comportait en effet plus de vitraux historiques, à l’exception de celui de l’oculus du chœur, datant probablement du XIXe siècle. Cette absence est notée dans la première étude préalable, qui prévoyait l’installation de nouveaux vitraux venant remplacer les carreaux vitrés et les plaques de plexiglas installées dans des châssis de bois. Une absence remarquée par Léonard Gianadda, ingénieur et bâtisseur, mécène et créateur de la Fondation Pierre Gianadda, installée à Martigny en Suisse. Le mécène propose à la ville de Vaison et à l’association des Amis de l’Eglise de la Cité Médiévale de financer la création de dix-neuf vitrages artistiques (sur les vingt-quatre fenêtres) pour la commémoration des quarante ans du jumelage de Vaison-la-Romaine avec la commune de Martigny, en juillet 2019. Léonard Gianadda a choisi le peintre dominicain Kim En Joong pour cette création.

Dans une interview donnée à Philippe Turrel, correspondant de la fondation Pierre Gianadda en France, le père Kim déclarait en octobre 2017 : « Lorsque je suis venu pour la première fois à Vaison-la-Romaine, j’ai immédiatement été saisi par l’imposante ville médiévale, ses remparts, et bien sûr sa cathédrale. Je dirai même que ce fut un choc. Installée sur un promontoire rocheux, ayant échappé aux crues destructrices de la rivière Ouvèze en 1992, elle montre à quel point le passé est toujours vivant, et combien sa beauté n’a pas d’âge. C’est cette continuité à laquelle il m’est important de participer, et je voudrais amener dans cette cathédrale une forme d’universel. J’ai été très impressionné, lors de cette première visite par sa situation en élévation, comme un phare qui montrerait la lumière du monde. Elle matérialise aussi pour moi les forces de la matière, nées de la rencontre des hommes bâtisseurs et de la nature nourricière. J’ai été fasciné par cette position aussi géographique que spirituelle de la cathédrale, véritable trait d’union entre le ciel et la terre. En tant qu’artiste, je voudrais traduire cette situation spatiale et minérale (masse rocheuse de l’éperon) de ce bâtiment par le jeu des fluidités verticales et des transparences des vitraux. Les vitraux jouent pour moi le rôle d’un véritable prisme de la lumière solaire, établissant une liaison entre les différentes composantes de notre horizon, entre profane et sacré. Ils sont l’œil de l’église qui accueille le visiteur. J’imagine, dans mon travail artistique, que cette cathédrale sera complètement habitée par la lumière qui nous vient du ciel. Une polyphonie de couleurs traduira cette symbiose de l’art et de la nature. J’ai été très touché par les parfums entêtants de la lavande, dont la couleur a inspiré́ ma palette. Des quatre points cardinaux, la cathédrale montrera, tel un diamant, les différentes facettes d’un art ancestral, issu des maîtres-verriers du Moyen Âge et sublimé par mon travail artistique contemporain, influencé par l’abstraction lyrique. Mon œuvre est aussi un témoignage de la rencontre de deux cultures, celle dont je suis originaire, la Corée, et celle de la France qui m’a tant enrichi. Je vois cette cathédrale monter encore plus haut vers le ciel, comme une flèche, incarnant l’aspiration profonde des hommes à toucher le mystère des origines et de la création. Comme une véritable inspiration à la méditation. Aujourd’hui, le vitrail permet aussi ce dialogue resserré entre l’homme et la création artistique. Tel est le sens de ma démarche dans cet art réinventé du vitrail au cœur d’un des édifices religieux les plus emblématiques de Vaison-la-Romaine. »

Pour les vitraux de la cathédrale Sainte-Marie-de-l’Assomption, Kim En Joong a peint ses maquettes directement sur des toiles à l’aide de pinceaux traditionnels coréens, utilisés en calligraphie, de raclettes et de spatules. Il a organisé ses couleurs en utilisant des techniques mixtes : peintures à l’huile, aquarelles, aérographe, obtenant ainsi des effets proches de l’aquarelle et de l’huile, avec des transparences et des dégradés. L’artiste utilise des aplats de couleurs avec des lignes aléatoires. Le choix des couleurs dépend de l’orientation du bâtiment. La façade nord-est de la cathédrale accueillera des vitraux de couleurs froides parfois chaudes. Les façades est et ouest s’orneront de vitraux aux tons chauds, le jeu de la lumière formant la substance de l’œuvre.

Les toiles peintes par l’artiste ont été transférées sur le verre par l’atelier Derix, à Taunusstein, à l’aide de différentes techniques mises au point par les verriers. Dans l’atelier, qui travaille régulièrement avec le père Kim, deux peintres, familiers de l’œuvre de l’artiste, se sont spécialisés dans la transposition de son langage pictural. Ils travaillent à partir de tirages numérisés des maquettes, placés sous les verres, et sur lesquels ils viennent appliquer les différentes couleurs. Le jaune d’argent et le rouge ont été peints en premier à l’aérographe avant une première cuisson. Puis ont été apposés des émaux à l’aérographe, mais également avec pinceaux et spatules pour correspondre plus exactement aux gestes de l’artiste.

Des verres antiques soufflés à la bouche ont été ensuite ajoutés par collage sur environ un tiers de la surface. L’utilisation de verres plaqués, qui ont été travaillés à la gravure chimique, complète la gamme des procédés pour obtenir nuances et transitions entre les couleurs, toujours précisément en accord avec les maquettes originales de l’artiste. L’inauguration des vitraux a eu lieu le 26 octobre 2019.